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Selon les informations de JA, le président congolais a demandé la nomination d’un nouveau président de la Cour constitutionnelle, rouage essentiel du prochain processus électoral. Un remaniement inattendu…

La Cour constitutionnelle va procéder au renouvellement de trois de ses neufs juges. Selon un document signé par son greffier en chef, l’audience prévue ce 10 mai pour le tirage au sort des nouveaux magistrats est convoquée suite à des instructions données par Félix Tshisekedi, via une lettre de son directeur de cabinet, Guylain Nyembo, datée du 6 mai 2022.

Selon plusieurs sources au sein de la plus haute juridiction, et de l’entourage du chef de l’État, ce dernier a demandé le remplacement de Dieudonné Kaluba. « Si le président en vient à prendre une telle décision, c’est que la confiance a été rompue », commente un proche.

 

« L’affaire Matata »

 

Pour justifier cette demande de remplacement, un membre du premier cercle présidentiel évoque notamment l’affaire Matata Ponyo Mapon, du nom de l’ancien Premier ministre désormais candidat à la présidentielle de 2023, cité comme responsable de la débâcle du projet agro-industriel de Bukangalonzo. Poursuivi pendant plusieurs mois, il a finalement échappé à la justice après que, le 15 novembre, la Cour constitutionnelle s’est déclarée incompétente pour juger l’ex-chef du gouvernement de Joseph Kabila.

« Des proches du président de la République et certains magistrats ne supportent pas l’indépendance du président Kaluba », souligne un proche de ce dernier, pour qui le remaniement n’est pas justifié, « puisqu’il a déjà eu lieu après le départ de Benoît Lwamba [l’ancien président de la Cour] ».

En effet, selon la Constitution, le mandat des membres de la Cour est de neuf ans, non renouvelable. Cependant, l’organigramme est renouvelé par tiers, tous les trois ans, à travers un système de tirage au sort organisé par groupe, les juges étant désignés par le président, le Parlement réuni en Congrès, ainsi que par le Conseil supérieur de la magistrature.

Depuis que la Cour est devenue opérationnelle en 2015, cette procédure a quasi systématiquement fait polémique, en raison des prérogatives très étendues de ses magistrats, qui sont notamment chargés de trancher lors des contentieux électoraux et d’annoncer les résultats définitifs des scrutins. Ce nouveau remaniement ne devrait donc pas manquer de faire à nouveau réagir.

 

Divorce entre Tshisekedi et Kabila

Élu le 11 avril 2021, Dieudonné Kaluba est devenu l’un des magistrats les plus en vue du pays. L’ascension au sein de l’appareil judiciaire de cet avocat chevronné est étroitement liée à ses relations avec le camp présidentiel. Il a notamment défendu Félix Tshisekedi devant la Cour constitutionnelle en janvier 2019 lorsque l’opposant Martin Fayulu contestait les résultats de l’élection présidentielle. À l’époque peu connu du grand public, Dieudonné Kaluba a pris une toute autre dimension lors du procès de Vital Kamerhe, au cours duquel il a officié en tant qu’avocat de la République. Enfin, sa nomination ainsi que celle de deux autres juges, en juillet 2020, avait contribué à précipiter le divorce entre Félix Tshisekedi et Joseph Kabila.

Désormais sur la sellette, Dieudonné Kaluba n’était jusqu’à présent contesté que par l’opposition. Pour le Front commun pour le Congo de Joseph Kabila et la coalition Lamuka de Martin Fayulu et Adolphe Muzito, sa présence à la tête de la plus haute juridiction du pays allait nuire à l’équité du prochain processus électoral prévu en décembre 2023.

Enfin, et toujours selon nos sources au sein de la Cour, le tirage au sort prévu ce 10 mai devrait aussi permettre le remplacement du juge Polycarpe Mongulu, récemment décédé, mais également du juge Prince Funga.

 

 

Jeune Afrique 

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