La Prison Centrale de Makala, située au cœur de Kinshasa, s’essouffle sous le poids de ses propres contradictions.
Construite en 1958 dans la commune de Selembao, cette institution pénitentiaire est devenue le symbole d’un système carcéral congolais en crise. Avec sa dizaine de pavillons dont 1 pour femmes et initialement conçue pour 1 500 détenus, Makala abrite aujourd’hui plus de 15 000 prisonniers sur ses 5 hectares, une situation qui met à rude épreuve ses infrastructures vieillissantes.
La surpopulation carcérale est un problème chronique à Makala. Avec une population de détenus plus de dix fois supérieure à sa capacité initiale, les conditions de détention sont devenues inhumaines. Cette surpopulation augmente les risques sanitaires, les tensions entre détenus et complique la gestion sécuritaire de l’établissement.
La nuit du dimanche 1 au lundi 2 septembre, une tentative d’évasion a dégénéré en affrontements, semant la panique dans les quartiers avoisinants. « Chaque jour est une épreuve pour nous », confie Jeanne Mabika, résidente sur l’avenue Luvuluzi à quelques encablures de la prison. « Nous vivons dans la crainte constante d’une nouvelle explosion de violence. » En effet, des tirs nourris et des affrontements violents ont éclaté entre les détenus et les forces de sécurité, causant plusieurs morts et blessés. La situation a été rapidement maîtrisée, mais non sans conséquences pour les résidents des environs, qui ont subi un bouclage strict par l’armée, la police et les services de sécurité.
Cet événement a perturbé la vie des résidents des quartiers avoisinants, mettant en lumière les risques sécuritaires liés à la présence d’un tel établissement en pleine zone urbaine.
La prison de Makala a une histoire riche et complexe. En 1978, le célèbre musicien Franco y a été détenu pendant quelques semaines pour “outrage aux bonnes mœurs” suite à la sortie de sa chanson “Jacky”. En 2013, une tentative d’évasion massive a eu lieu, impliquant des tirs d’armes lourdes et légères qui ont retenti pendant plusieurs heures. Les détenus avaient réussi à forcer les verrous et à sortir de leurs cellules, mais la plupart ont été rapidement repris par les forces de sécurité. En 2017, une évasion massive a vu plus de 4 000 détenus s’échapper de Makala, marquant l’une des plus grandes évasions de l’histoire du pays.
Face à cette situation critique, l’idée d’une délocalisation de Makala gagne du terrain. Ce projet ambitieux viserait à construire un nouvel établissement moderne en périphérie de la capitale, répondant aux normes internationales et offrant de meilleures conditions de détention. Cette solution permettrait non seulement de désengorger la prison actuelle, mais aussi de réduire les risques sécuritaires pour la population urbaine environnante.
Parallèlement, une proposition innovante émerge : transformer l’actuel site de Makala en musée. Cette reconversion offrirait l’opportunité de préserver un pan important de l’histoire congolaise tout en sensibilisant le public aux enjeux du système carcéral. Un tel musée pourrait devenir sans nul doute un lieu de mémoire et de réflexion sur notre passé et notre avenir judiciaire.
La délocalisation de Makala et sa transformation en musée représentent ainsi une double opportunité pour Kinshasa : résoudre une crise pénitentiaire urgente tout en valorisant un patrimoine historique unique. Cependant, la mise en œuvre de ce projet complexe nécessitera un investissement conséquent et une planification minutieuse pour éviter les écueils du passé.
Alors que Makala continue de s’essouffler sous le poids de ses défis, la question de son avenir reste en suspens. La chronique de cette prison emblématique est loin d’être terminée, mais son prochain chapitre pourrait bien marquer un tournant décisif dans l’histoire pénitentiaire de la République Démocratique du Congo.
Franck Tatu