
Ils étaient paisiblement réunis autour de leur repas, comme des milliers d’autres familles à travers le pays. Ils ne savaient pas que ce serait le dernier. Dans la nuit du 4 au 5 avril, le silence du village de Kabale-Katambi, dans le groupement Rusayo (territoire de Nyiragongo), a été brisé par l’écho funeste des balles. Des assaillants armés ont frappé sans pitié. Ils ont tué. Froidement. Méthodiquement. Une famille entière. Neuf personnes. Parents, enfants, proches. Fauchés. Exécutés. Sans autre raison que la cruauté d’hommes sans visage.
Les habitants, encore sous le choc, racontent l’impensable. Les corps ont été retrouvés dans les chambres, dans la cour, certains encore assis à table. Des images circulant sur les réseaux sociaux montrent l’insoutenable : des visages figés dans la stupeur, des foyers transformés en cimetières. Le bilan provisoire parle de dix morts, parmi eux un ancien candidat aux élections provinciales. Dix vies. Dix histoires. Dix rêves assassinés.
La douleur est immense. Le deuil, collectif. « Une tristesse absolue », confie un journaliste sur place. Les mots manquent pour décrire l’effroi. Dans ce coin du Nord-Kivu déjà éprouvé par tant de souffrances, c’est une plaie de plus qui s’ouvre. Une plaie béante. Une de trop.
Mais la nuit du 4 avril ne s’est pas arrêtée à Kabale-Katambi. À Goma, à quelques kilomètres de là, un jeune homme est tombé sous les balles dans le quartier de Katindo. Un de plus. Un nom de plus à inscrire dans la longue liste des victimes d’une ville qui n’en finit plus de pleurer ses morts. Un de plus, après ce revendeur de crédits téléphoniques tué le 1er avril. Un de plus, dans une ville où les tirs résonnent plus souvent que les rires d’enfants.
Lac-Vert, Ndosho, Mabanga Nord… les quartiers se ressemblent dans la douleur. Les habitants vivent au rythme des braquages, des coups de feu, des enterrements. Ils vivent dans la peur, dans l’angoisse de ne pas revoir leurs proches. Ils vivent, oui. Mais jusqu’à quand ?
Face à cette insécurité persistante, face à ces morts que l’on ne compte plus, face à cette terreur qui s’installe, les autorités semblent démunies. Ou absentes. Ou indifférentes. Et la population, elle, crie. Elle crie son désarroi, sa fatigue, sa colère. Elle crie, mais qui l’écoute encore ?
Ce qui s’est passé cette nuit-là ne peut pas être un simple fait divers. Ce n’est pas un chiffre. Ce sont des vies. Ce sont des familles brisées, des enfants orphelins, des parents endeuillés. Ce sont des cris dans la nuit. Ce sont des silences lourds de chagrin.
Jusqu’à quand faudra-t-il compter les morts avant d’agir ?
Petit Ben Bukasa