Le gouvernement Suminwa a confié le ministère stratégique des Hydrocarbures à Acacia Bandubola, qui succède à Aimé Molendo Sakombi. Cette nomination, qui fait d’elle la première femme à occuper ce poste en République Démocratique du Congo, s’inscrit dans un contexte de réformes engagées et de dossiers sensibles qui posent un défi majeur à la nouvelle ministre.
Molendo Sakombi, à la tête de ce portefeuille, a initié plusieurs chantiers importants visant à moderniser le secteur et à en optimiser les retombées économiques. Parmi les principales réformes, le marquage moléculaire des carburants est une initiative clé pour lutter contre la fraude et garantir une meilleure collecte des taxes, notamment auprès des entreprises minières du Sud et de l’Est du pays. Le renforcement de la réglementation sur le gaz de pétrole liquéfié (GPL) a également été une priorité, dans le but de proposer une alternative au bois-énergie, avec le soutien de partenaires internationaux tels que le PNUD et la Banque mondiale.
Un héritage lourd et des défis immédiats
La transition vers Acacia Bandubola n’est pas sans risques, car elle hérite de dossiers complexes et d’une feuille de route ambitieuse. L’un des plus délicats est sans doute celui de l’audit du groupe pétrolier Perenco. Mené par l’Inspection Générale des Finances (IGF) et des cabinets spécialisés, cet audit a révélé des redressements fiscaux de plusieurs millions de dollars et des violations réglementaires. Les révélations d’une pollution environnementale majeure, dont les coûts de réhabilitation sont estimés à 600 millions de dollars, ajoutent à la complexité de ce dossier. L’audit sur la production de Perenco est toujours en cours, et des mesures correctives ou des sanctions pourraient être prises. Le prédécesseur de Mme Bandubola avait également préparé une note au Conseil des ministres pour prolonger le délai de prescription de 5 à 10 ans, ce qui souligne la volonté de traiter ce cas avec fermeté.
Un autre chantier essentiel est la révision de la loi sur les hydrocarbures de 2015. Jugée obsolète, cette loi ne permettrait pas de maximiser l’attractivité du secteur. Les travaux de révision, déjà entamés, visent à clarifier l’attribution des droits, à améliorer les procédures d’appel d’offres, et à créer des outils stratégiques comme un fonds pour les générations futures et une banque de données pétrolières sécurisée. La nouvelle ministre devra s’approprier ces réformes et les mener à terme pour dynamiser la production nationale, qui stagne actuellement.
Une transition entre continuité et renouveau
Le choix d’Acacia Bandubola peut être interprété comme un pari politique. Son expérience au ministère des Affaires foncières, où elle a mené des réformes de modernisation, de lutte contre la corruption et de numérisation, démontre sa capacité à gérer des dossiers techniques et complexes. Sa nomination, qui combine continuité et renouveau, montre la confiance du gouvernement en ses capacités.
Toutefois, les attentes sont élevées. Au-delà des dossiers de son prédécesseur, la nouvelle ministre devra gérer des enjeux cruciaux, comme l’exploration pétrolière dans des zones écologiquement sensibles, tout en conciliant les impératifs de développement économique et les exigences de la transition énergétique mondiale. Son engagement à ce que le secteur des hydrocarbures contribue pleinement à la croissance économique et à la mobilisation des recettes publiques sera mis à l’épreuve par la complexité des défis qui l’attendent. Les prochains mois seront décisifs pour évaluer sa capacité à s’imposer dans ce secteur stratégique et à transformer les réformes en opportunités pour le pays.
Guyvenant Misenge
