Le lancement de la campagne agricole à Menkao/Kinshasa par le président Félix Tshisekedi a ravivé le débat sur l’avenir du secteur en République démocratique du Congo. Dans une lettre ouverte adressée au chef de l’État, Thierry Mbala Nkanga, pasteur, entrepreneur et acteur du développement communautaire, salue l’initiative mais met en garde contre les erreurs du passé.

« Notre passion dans le secteur agricole nous a poussé à avoir un œil observateur sur le lancement de la campagne agricole que vous venez d’effectuer à Menkao. L’agriculture, considérée et toujours chantée comme priorité des priorités, a toujours été négligée alors qu’elle peut être le poumon du développement national », écrit-il dans son courrier.

À travers sa lettre, Thierry Mbala rappelle que la RDC dispose de terres arables et de ressources hydriques abondantes, mais que le secteur reste plombé par une gestion trop bureaucratique et déconnectée du terrain.

« L’agriculture ne se fait pas dans des bureaux climatisés. Malheureusement, ceux qui gèrent les fonds à louer pour la réalisation se taillent la part du lion, au détriment des ouvriers et des vrais acteurs du développement communautaire… ce qui conduit à l’échec, comme ce fut le cas pour Bukanga Lonzo. »

Il insiste sur la nécessité de confier les moyens de production aux fermiers locaux qui, selon lui, ont déjà fait leurs preuves malgré le manque d’accompagnement. « Ces engins qui ont coûté des milliers de dollars peuvent réellement être rentables et productifs en travaillant avec des fermiers locaux dans différentes zones agricoles ayant déjà fait preuve dans ce secteur. »

Pour appuyer son plaidoyer, l’auteur de la lettre propose une approche basée sur la formation et la pratique. Il suggère l’introduction de l’agriculture dans les programmes scolaires dès le primaire, l’obligation pour chaque université d’avoir un site agricole, mais aussi l’encadrement et la formation des acteurs locaux sur les méthodes modernes. Il va plus loin en recommandant la mise en place d’une banque agricole active, la facilitation des documents d’exploitation et la création de fermes agricoles au sein des confessions religieuses et des entreprises publiques.

Au cœur de son message, Thierry Mbala cite l’historien burkinabé Joseph Ki-Zerbo : « On ne développe pas, mais on se développe », pour rappeler que le véritable changement doit partir des communautés locales. Il résume sa vision à travers une chaîne de solidarité nourricière : « Un fermier qui nourrit une famille peut nourrir un quartier ; celui qui nourrit un quartier peut nourrir une commune ; celui qui nourrit une commune peut nourrir toute une ville… Donnez-nous ces tracteurs et accompagnez-nous, nous chasserons la famine, car sans accompagnement nous produisons déjà ! Et on peut faire plus. »

L’auteur conclut sa lettre en appelant le président Tshisekedi à ne pas abandonner ce projet entre les seules mains des technocrates : « Ne laissez pas la charge aux hommes en cravate de peur de faire Bukanga Lonzo 2. »
Le lancement de la campagne agricole à Menkao était présenté par le gouvernement comme un jalon essentiel pour la diversification de l’économie et la lutte contre l’insécurité alimentaire. Mais ce texte, comme d’autres critiques venues de la société civile, illustre les doutes persistants : le pays parviendra-t-il à transformer son potentiel agricole en moteur de développement, ou risque-t-il de répéter les erreurs d’hier ?

 

Claudine N. I et Franck N. K.

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